Etoile de l'homme-chien

Publié le par Paraph


    Samedi quatorze octobre deux mille six. Midi dix. Fin de ma première semaine de boulot, et de ma première semaine de cours. Je tiens le rythme comme je peux. Si je n'avais pas mal à la cheville, ça irait mieux. Le port de l'écharpe me préserve du rhume, pour le moment. Je reste sur une dynamique ascensionnelle, tant que je ne tombe pas, tout va bien.

    Avant-hier, jeudi douze octobre, j'ai assisté à mes premiers cours de letton, jusque vers vingt-deux heures. Nous avons été gentiment chassés de la fac par le gardien des lieux, qui y a ses logements. Le letton, c'est sympa. Une langue visiblement indo-européenne, mais assez archaïque dans ses formes, pas slave mais encastrée entre le rouleau-compresseur slave et la solide enclave finno-ougrienne d'Europe du nord. D'aucuns ont parlé de langues baltes, et à l'oreille, il est vrai que les intonations du letton font beaucoup penser au finnois, alors même que l'estonien, qui en est structurellement et lexicalement plus proche, ne sonne pas tout à fait pareil. A creuser quand j'aurai digéré toutes les informations engrangées les soirs de la semaine.

    Après mes cours de letton, je suis passé chez Ramethep. Bières et cuisine indienne. Comatage devant "Django", un western italien racontant l'histoire d'un type aux yeux clairs qui remorque un cercueil dans le désert. Dans le cercueil, une gatling pour abattre les gangs de guérilleros mexicains imprudemment engagés dans une campagne d'oppression sur les pauvres gens du terroir. A la fin du film, les mains brisées par la botte revancharde d'un ennemi puissant, il arrive à caler son flingue contre une tombe, il abat toute une ribambelle de brigands avant de repartir, pas tout à fait frais, dans le soleil couchant. Je n'en ai vu que des bribes. Suis resté dormir sur le plancher.

    Hier, vendredi treize octobre deux mille six. Dernière journée de ma première période de travail. Les collègues ont déménagé la quincaillerie dans un cagibi pendant que je continuais patiemment de répondre aux gens qui souhaitaient retirer des dossiers d'inscription. Tous les boulets rouges étaient de sortie, surtout pendant les deux dernières heures, et il n'a pas été commode de garder mon calme et ma voix. Surtout ma voix, je suis généralement posé. La semaine prochaine, nous cohabiterons dans un étroit bureau, tous les douze étudiants vacataires, avec notre chef de service, l'ensemble des dossiers accumulés depuis dix ans, la reponsable des bourses et les visiteurs du quotidien. Les uns sur les autres. Je ne sais pas comment nous tiendrons. Pendant ce temps, les missionnaires du retrait seront cachés au pied d'un escalier, à prendre le vent et soumis aux frimas.

    Après le boulot, je suis passé à mes cours d'estonien. Très bon contact avec les autres étudiants, ainsi qu'avec les enseignants. Nous avons été chassés par le maître des lieux. Apparemment, le vendredi, ça ferme plus tôt. Dans la foulée, j'ai filé chez des gens pour une crémaillère. Je me suis gavé de salade de nouilles pendant qu'ils parlaient d'un certain Michel Onfray, et j'ai descendu des Guinness tandis qu'ils disséquaient les mécanismes de la machine à propagande américaine à l'œuvre dans les films de Spielberg. Ca m'a fait doucement rigoler. J'ai fini les cacahuètes. Plusieurs agrégés de philosophie se partageaient un canapé. Il y avait de la liqueur au miel. Et puis des sortes de nems faits avec des merguez. Et puis des gens.

    Vers deux heures du matin, je suis parti, charrié par un couple d'acteurs. Ils m'ont déposé à Ivry sur Seine, j'ai marché une heure sur le gazon du tram, jusqu'à rejoindre la porte d'Orléans, où j'ai pu prendre un bus de nuit. Couché vers quatre heures.

    Ce matin, je suis en forme. Et j'ai du pain sur la planche. Plus que dix-sept jours pour rédiger mon mémoire, je ne sais pas si j'y arriverai. C'est d'ailleurs l'essentiel de mon programme de la journée. Ca et le sommeil. Ma mère se fait opérer dans deux jours, elle rentre à l'hosto demain. Je ne pourrai pas passer la voir avant le week-end prochain. J'espère qu'elle survivra à cette opération bénigne de la hanche.

    Bien d'autres choses à dire, mais pas assez de temps. Repas en famille, puis fuite en avant pour expédier les soixante dernières pages de mon mémoire avant la fin du mois. Engagez-vous, qu'ils disaient.

 

Publié dans schopenhauer

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