Lèvres sous le sable

Publié le par Paraph


    Jeudi trois août deux mille six. Une heure dix du matin. La journée n'a été que fuite en avant, une fièvre cinglante m'a bercé sur ses flots tropicaux, je n'ai pas travaillé à mon mémoire, je n'ai pas vraiment pu évoluer dans le monde des humains, et j'ai passé tout le jour à grelotter sous la couverture, le front couvert de sueur. Dans l'après-midi, je suis passé prendre le thé chez mes grands-parents, où s'était réuni tout un aréopage de tantes, grands-tantes et cousins. Le temps de refiler ma crève au troisième âge, et je suis reparti.

   Dîner d'anniversaire chez des amis habitant une commune voisine. Tentative plus ou moins manquée de surprendre le couple franchissant d'un même pas la barre des vingt-sept étés, synonyme de fin des privilèges ferroviaires, estudiantins et financiers. Au milieu des considérations mobilières et immobilières de pré-trentenaires bourgeois, j'ai pu m'évader par la pensée loin des canapés café-crème et des couches-culottes. Je ne reproche rien à leur mode de vie, mais je n'ai pas forcément suffisamment d'atomes crochus avec eux pour me sentir concerné par des conversations sur les actions en bourse, le prix des terrains en banlieue, les avantages et les inconvénients de tel ou tel modèle de voiture. A vrai dire, en dehors de la bouffe et de la littérature, je ne m'intéresse pas à grand chose dans la vie. La fièvre n'a sans doute rien arrangé, et j'ai peut-être été désagréable sans le vouloir.

    Programme de la nuit: dormir, et ne pas dormir. Avancer dans ma lecture du "Horse whisperer". Le cowboy au grand cœur est en train de tomber amoureux de la femme active venue habiter sur son ranch, au risque de compromettre sa carrière, dans l'espoir qu'il pourra aider sa fille à reprendre goût à la vie en remontant le moral de son cheval blessé. Ne pas être malade. Dormir le plus tard possible, pour être d'attaque au matin.

    Programme de demain: prendre mes responsabilités à bras le corps, le taureau par les cornes et des vessies pour des lanternes. Me faire une montagne d'un verre d'eau. Entamer le travail de toute une année que je dois bâcler en dix jours, désespérer devant l'ampleur de la tâche et renoncer. Grelotter de fièvre. Dans l'après-midi, aller prendre le thé chez ma tante. Dans la soirée, manger coréen en transmettant les clefs de la connaissance à un de mes condisciples.

 

Publié dans schopenhauer

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