Août en Asie

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Mardi deux septembre deux mille huit. Seize heures vingt-sept (heure française, dix heures vingt-sept du matin). Nouvelles des antipodes, ou d’une étape sur la route. Depuis une semaine, je suis de retour en Chine. Il y fait chaud. Le voyage a duré, peu ou prou, quatre jours, durant lesquels j’ai peu dormi, beaucoup réfléchi, sans en tirer de conclusion valable, mangé dans des cabanes au bord de la route, fui la touffeur du jour pour le chaud et froid des climatiseurs.

 

Mardi dernier, vingt-six août, j’ai pris l’avion depuis Roissy, à bord d’un vol suisse, pour treize heures de lévitation, avec escale à Zurich. Le temps d’acheter du chocolat pour le Sultan, qui m’a précédé d’une à deux semaines dans son retour en Chine (via le Xinjiang, ou Turkestan chinois, ou l’on peut parvenir, depuis le Pakistan, en traversant la frontière ouverte la plus haute au monde, près de cinq mille mètres, avec chutes de neige en plein mois d’août), et j’ai repris place, après trois heures de transit, dans l’avion pour Hong-Kong.

 

Les douze heures de vol ont passé comme un éclair. J’ai tâché de me caler sur le fuseau horaire chinois, avec un succès mitigé, la nuit n’ayant duré que quelques heures. Repas satisfaisant, incluant les derniers morceaux de fromage que je mangerai vraisembablement avant février deux mille neuf.

 

A bord, j’ai repris la lecture, à peine esquissée il y a deux ou trois semaines, de « The Dice Man », de Luke Reinhardt : roman publié en mille neuf cent soixante-et-onze, le hasard placé au centre de l’existence comme principe régisseur de l’action, preneur de décisions, grand Ordinateur du cosmos. L’idée est amusante, malgré une réalisation parfois brouillonne (trop de sexe gratuit).

 

Une fois débarqué à Hong-Kong, douze heures de vol plus six heures de décalage horaire, il était seize heures trente. Le temps de récupérer ma valise, moins la sangle qui l’enserrait, et de trouver un bus pour la Chine continentale, une heure de plus avait passé. Une heure et demie de bus me conduisirent jusqu’à Shenzhen, où j’avais déjà mis les pieds il y a trois mois, en route pour Hong-Kong afin de faire prolonger mon visa.

 

Une fois parvenu à Hong-Kong, le service de limousines de l’hôtel où m’avait laissé le bus m’a conduit jusqu’à la gare ferroviaire. J’y acquis un billet pour Ganzhou, ville importante du Jiangxi, la province située cinq cents kilomètres plus au nord. Mon train partant vers neuf heures quarante-six le lendemain matin, je me laissai conduire, par l’autochtone m’ayant généreusement aidé à acheter mon billet, jusqu’à l’hôtel de son choix, relativement abordable (deux cent dix-huit yuan), avantageusement situé à proximité de la gare. Mon Virgile touchait vraisemblablement une commission.

 

Au final, ma chambre est plutôt petite, je tiens tout juste dans l’alcôve d’un mètre quatre-vingt-dix où un matelas accueille ma carcasse encore fumante de la poussière du voyage. Ayant pris possession des lieux vers vingt heures, je m’apprête à sortir pour dîner sur le pouce. La fille de la réception me sort un prospectus : il est possible de me faire livrer directement dans ma chambre du troisième étage. N’écoutant que mon courage, je reste calfeutré, attends ma livraison de nouilles, les consomme, m’allonge un instant, decide qu’il est trop tôt pour dormir, mais bien encore temps d’explorer un peu la ville.

 

Notons au passage que l’hospitalité d’une grande ville chinoise telle que Shenzhen s’accompagne nécessairement de sollicitations indésirables. Entre le moment où j’ai quitté la gare pour atteindre ma chambre d’hôtel, une bonne demi-douzaine de commerçantes du coin m’ont proposé l’usage de leur corps moyennant finances. N’écoutant que mon indifférence, j’ai prêté la sourde oreille à leurs offres. Mais partez du principe que dès lors, chacune de mes excursions en ville se verra accompagner de ce type de proposition, sous couvert de l’universel « massage » en vogue dans certains pays.

 

Il est aisé de trouver un cybercafé, n’importe où en Chine. Une fois rentré à l’hôtel, j’ai pu m’endormir comme une masse, fatigué par le voyage, vers vingt-deux heures heure locale. Vers deux heures du matin, toujours heure locale, l’insomnie est venue mettre un terme à mon repos. Un peu de lecture, avant de me rendormir vers six heures du matin.

 

A sept heures du matin, le téléphone sonne. J’avais pourtant demandé à la réception de ne m’éveiller que pour huit heures. Les imbéciles, pas capables d’appliquer une consigne. Je me rendors. Vers huit heures, je me lève. Le temps de prendre une douche et de boucler ma valise, d’avaler des nouilles sur le pavé et de rejoindre la gare proche, je suis largement dans les temps pour attraper mon train.

 

Une fois dans la gare, je déchante vite. Une légère erreur dans le réglage de mon réveille-matin m’a fait perdre une heure, dont je ne prends conscience qu’en m’apercevant que mon train est bel et bien parti sans moi. Le temps de faire la queue au guichet des remboursements (moins vingt pour cent), puis au guichet des acquisitions pour acheter un nouveau billet, il est onze heures du matin et je suis bien fatigué. Le nouveau billet coûte deux cent soixante-et-un yuan et le train ne partira que le lendemain soir.

 

Mes finances au plus bas, je suis obligé de faire changer mes derniers euros en liquide contre des yuan tout aussi sonnants et trébuchants. La boutique m’arnaque éhontément, mais je suis trop crevé et désabusé pour lutter. Il me reste trente heures à passer ici, et je dois encore regagner ma chambre d’hôtel. Chemin faisant, je suis sollicité par des professionnelles du massage et plus si affinités, mais également par des rabatteurs de clients engagés par les hôtels du coin pour remplir leurs locaux. Je finis par me laisser convaincre, le prix m’étant proposé (cent cinquante yuan) étant de loin inférieur à ce que j’avais payé la veille pour une chambre minable.

 

Cette fois-ci, la chambre est tout sauf minable. Deux fois plus grande que la précédente, nettement moins chère et plus propre (il n’y a presque pas de cafards), elle est située au vingt-huitième étage et me confère une vue imprenable sur la Shenzhen Skyline, certains gratte-ciels étant désormais à mes pieds. Je prends possession des lieux, reste assis dans un confortable fauteuil tandis que la femme de chambre remet mon lit à neuf. Je sirote du thé vert gracieusement offert par la maison en contemplant mes options.

 

Je décide de partir en expédition. Un autre quartier de la ville accueille mes pas décidés. Au sol règne une chaleur atroce, trente-deux degrés à l’ombre avec un fort taux d’humidité, mais je bondis telle une gazelle dans la fournaise de ce début d’après-midi. Pour varier les plaisirs, je mange du riz, trouve un cybercafé d’où j’informe par courrier électronique mes employeurs que j’aurai du retard dans l’auto-livraison, puis regagne ma chambre d’hôtel pour une sieste bien méritée.

 

 

 

 

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S
Ouf, je m'inquiétais, dis. Et le sexe dans Dice man, c'est à mettre sur le compte de la révolution des moeurs des années 60 et 70... Moi je l'ai pas trop trouvé gratuit, puisque pas fait seulement dans la volonté de choquer, mais de faire rencontrer ses propres limites au personnage... D'ailleurs, une certaine indifférence progressive du personnage met même ces scènes à distance.
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