Suspension du Lapin Lunaire

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Mardi quinze avril deux mille huit. Seize heures trente-et-une (heure française, dix heures trente-et-une du matin). Je sors à l'instant de ma seconde journée de cours de la semaine. Rien de particulièrement notable. Les cours qui avaient bien marché hier avec les meilleures classes n'ont pas eu les résultats escomptés cejourd'hui avec les élèves moins avancés. Comme chaque semaine, de fait. J'ai à présent entamé ma sixième semaine de cours. Un mois et demi que je suis arrivé à Xinfeng, dans la province du Jiangxi. Le sud de la Chine tient toutes ses promesses: chaleur excessive dès le printemps, pluies incessantes plusieurs jours d'affilée, moustiques omniprésents, voraces et discrets, nourriture trop pimenté, accent incompréhensible. Je passe un merveilleux mois d'avril. Dans l'ensemble, je passe de bons moments. J'ai l'impression que la communication avec les collègues, voire avec les habitants du cru, devient plus facile. Je ne comprends pas cent pour cent des propos tenus à mon adresse, et je ne parviens à transmettre que vingt pour cent du message intendu, mais ces vingt pour cent suffisent à établir un dialogue. En général, ce dialogue se limite, certes, à une déclaration d'intention alimentaire ou transactive, mais il arrive que le sujet tourne autour des us et coutumes, modes de vie et philosophie des uns et des autres. J'attends encore de pouvoir lancer la conversation sur Schopenhauer, mais je ne doute pas que ça viendra. Globalisons le propos. Je maîtrise davantage mon environnement, à l'exception des insectes volants, qui ont découvert, à leur grande joie et à mon bon cœur, un nouveau restaurant. Aubaine inespérée pour leurs délicats palais de gourmets, on y mange français. Pour ma part, force m'est de prendre mon mal en patience. D'ici deux à trois milliards d'années, toute vie aura disparu de la surface de la Terre, et j'aurai ma revanche. Il me prend des envies de relire Douglas Adams. En attendant de recevoir un colis ou de la visite porteuse de livres, je savoure à petit feu "The Glass Key", de Dashiel Hammett, et je me mets, tant bien que mal, à la lecture en ligne. Je suis actuellement sur "The Disunited States of America", de Harry Turtledove. Aucune idée quant à l'existence d'une éventuelle traduction. A défaut de lecture, beaucoup de films et séries sur support vidéo. Outre les Chinois qui volent, achetés à bas prix chez les discaires locaux, notons une intégrale de Funès, et une revisite à la première saison de Star Trek. Jean-Pierre Melville attend dans les coulisses, en compagnie de divers dessins animés américains. De quoi patienter jusqu'à l'hiver prochain. Programme de la soirée: dans vingt minutes, me rendre au club de conversation en anglais, animé par mes soins, réanimé par le Sultan. A l'issue de la session, si personne ne nous a invités au restaurant, rentrer, dormir. Lire. Voir où en est Bourvil de sa conquête de la Toison d'Or. Dormir. Dormir tant et plus.
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